Suite à la lecture de l’article de Julien Dubedout sur le Design dans le Libre, je me suis senti très en colère: présenter comme des pistes de réflexion ce qui relève plus de l’ignorance m’a vraiment mis en rogne. Qui dit très en colère dit: ne pas répondre tout de suite. Et puis finalement je m’aperçois que je ne suis pas le seul à adopter le principe de tempérance et que d’autres réflexions rejoignant celles exposées ici arrivent. Ça m’aura pris plus d’un an pour achever cette analyse.
Commençons par une citation d’un grand intellectuel, parce que bon, ben disons que ça en manque un peu quoi:
C’est fou ce que le monde est beau. Beaux sont les produits packagés, les vêtements de marque avec leurs logos stylisés, les corps body-buildés, remodelés ou rajeunis par la chirurgie plastique, les visages maquillés, traités ou liftés, les piercings et les tatouages personnalisés, l’environnement protégé et préservé, le cadre de vie meublé des inventions du design, les équipements militaires aux allures cubo-futuristes, les uniformes relookés au style constructiviste ou ninja, la nourriture « mix » dans des assiettes décorées d’éclaboussures artistiques — à moins que plus modestement elle ne soit empaquetée sous des pochettes multicolores dans les supermarchés comme les sucettes Chupa Chup. Même les cadavres sont beaux — proprement emballés dans des housses en plastique et alignés au pied des ambulances. Si ce n’est pas beau, il faut que ça le soit. La beauté règne. De toute manière elle est devenue un impératif : sois beau ou, du moins, épargne-nous ta laideur.
Dans ce texte de 2003((Yves Michaud, L’Art à l’état gazeux – Essai sur le triomphe de l’esthétique)), Yves Michaux ne parlait pas de logiciels (dommage pour nous), mais de la dictature du beau dans le design et de la gazéification de la beauté hors de l’art. Une lecture qui vaut le coup.
La lecture du post le Design dans le Libre : pistes de réflexion m’a tout d’abord évoqué les questions suivantes:
- S’il y est question de beau, il n’y a aucune déconstruction du concept de mocheté effectué: parler de mocheté (“designé avec du caca” d’après Julien Debedout) c’est suivre une logique oppressive
- Les môches, l’idéologie de désigner celles et ceux qui sont des losers, qui ne sont pas à la mode, parce que leur interface n’est pas conforme aux standards du beau et de la convention bourgeoise (ce que je veux dire c’est que l’utilisation de ce terme dans une réflexion me paraît à priori louche)
- Qu’est ce qui est môche au fait? Je n’ai rien compris. On veut des exemples.
On est déjà assez mal parti.e.s… Le titre choisi était déjà assez révélateur: il décrit des pistes, dans une pensée au singulier: suivez ma pensée!!!!!!!
Le logiciel libre est la pour s’occuper de notre liberté (voir la définition des quatre libertés). Si rien n’empêche de concevoir un bon logiciel libre, joli et efficace, il se peut que malgré une mocheté relative et subjective, le logiciel marche aussi bien que la version propriétaire (et éventuellement mieux), et que il soit tout aussi ergonomique et pratique (et éventuellement plus).